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Le deuil conduit souvent à expérimenter les confins de la solitude. Un sentiment de solitude accentué pour beaucoup par la situation actuelle de confinement, ou paradoxalement adouci pour d’autres… Solitude que l’on peut éprouver seul ou très entouré. Alors comment comprendre, appréhender, composer et peut être même s’enrichir de cette solitude? Éric Dudoit nous a éclairés sur ces questions, lors d’une rencontre qui s’est déroulée en direct à distance, le samedi 4 avril.

 

« Dans cette solitude, on peut puiser de la force »

« Quand on perd un proche et encore plus un enfant, nos proches nous demandent comment on va ou nous disent qu’ils nous comprennent. Mais ils ne peuvent pas comprendre et cela ajoute au sentiment de solitude.
On vit la plupart du temps en surface de nous-mêmes, et ce n’est que la personnalité changeante et subjective qui vit alors et nous fait juger la vie. Mais la vie ne punit pas, elle ne récompense pas.

La question de l’enfant et de la filiation a aussi avoir avec celle de l’identité. Quand un enfant part, une partie de nous part avec lui. Et ce n’est pas juste une métaphore, c’est une vraie partie de nous vivante qui part. On se sent vide, on se sent seul. Etre seul n’est plus problématique du coup. Il arrive même que dans les jours importants, on aie besoin d’être seuls. C’est la façon que la vie a de s’occuper de moi. On a besoin de ce temps de solitude pour « se nourrir ». Les anciens en avaient toujours un : un temps de prière, un mantra, une danse… C’est un moment où on est en connexion avec soi-même. Les temples, les églises aident a retrouver cette intériorité et à faire silence en nous-mêmes. Ils aident à trouver le divin, étant entendu que ce divin est la notion de la vie la plus grande et la plus forte. C’est aussi une notion qui permet de se rassembler à l’intérieur de soi. Et dans ces lieux, dans cette solitude on peut puiser de la force.

« La solitude n’a rien à voir avec l’isolement »

On parle alors d’une solitude qui devient solaire. « Sol-air ». Rien à voir avec l’isolement. L’isolement c’est s’isoler de soi-même et de la vie, c’est quand on perd le petit moteur à l’intérieur de nous. La vie est supplantée par autre chose qu’elle-meme. Trop de distraction conduit à cet isolement de soi-même. Parfois on utilise la distraction pour ne pas être malheureux. Ce n’est ni bien ni mal, mais il faut savoir le repérer, se dire « Tiens,là  je n’arrive pas à supporter quelque chose à l’intérieur de moi, quelque chose qui me plombe profondement ». La clé est dans la lucidité. La travail du psychologue est de vous montrer cela, vous montrer comment vous utiliser ce mécanisme.
On est « troué du dedans » depuis qu’on est né (« troumatisme » de Lacan). Et quand on perd un enfant ou un proche, on tombe dans le trou. On est en bas et on demande aux autres de nous envoyer l’échelle. Mais ils ne l’ont pas. On ne peut alors partager qu’avec les mots. L’autre n’a pas la clé, cette clé c’est nous qui l’avons.
Il est encore plus dur de se sentir seul au milieu des autres qui s’amusent, et pire encore quand ces autres sont des proches, qu’on aime et connait. Mais c’est inévitable. Le besoin apparait de se construire à l’intérieur de soi un lieu de paix, un « Sanctum », un lieu qui permet de rentrer en soi. Le Sanctum est le lieu de l’âme construit par la personnalité. Et quand on est dans ce lieu, on est dans son âme. Et c’est là qu’on a le plus accès à ce monde poreux invisible de l’au-delà. On y est dans un état de conscience différent.

« On n’est jamais seul si on descend à l’intérieur de soi »

Chacun doit trouver son propre état de conscience différent, sa propre voie initiatique pour parvenir à comprendre le lien entre la vie et la mort. Pour certains cela passera par la méditation, d’autres le sport, la création ou la marche. Il n’y a pas un chemin unique, c’est à nous de créer ce chemin.
On n’est jamais seul si on descend à l’intérieur de soi. Eprouver cette solitude permet alors de s’emplir de la vie et des autres, en se nettoyant du trop plein de soi-même. La solitude permet de se remettre droit dans sa structure pour se libérer du trop de soi. Quand on se libère des pensées qui poluent, des excréments psychiques pour se remplir de la vie et plus de soi-même, alors la solitude est une communion avec le tout.
Avec la mort d’un enfant, les parents se vivent en confinement. Ils se sentent profondement seuls et profondément confinés à l’intérieur d’eux-mêmes. Et dans cette solitude et ce confinement, ils sont peut être autre chose que eux-mêmes. Ils ont déjà conscience de l’essentiel, la rumeur du monde les touche moins, ils ont déjà fait un bout de chemin important sur la comprehension du lien entre la vie et la mort. Ils ont pris conscience que l’on ne peut pas maîtriser la vie. La seule chose que l’on peut faire, c’est la partager. Comme avec notre animal de compagnie, on lui parle et lui prête quelque chose de soi-même, sans parler pourtant le même langage, et l’échange se fait.
Bonne ou mauvaise solitude? Solitude ou isolement? Comment savoir quand on est dans la bonne? Le corps est toujours l’indicateur. Le corps garde son énergie dans la bonne solitude. Le corps est un grand révélateur de notre état interne. Etre à l’écoute de l’univers et voir ce qui vient à moi. La bonne solitude aide à se mettre en mouvement. Ce qui vient à moi est toujours ce dont j’ai besoin. Si j’ai besoin de compagnie, elle viendra à moi. Il y a des moments et des gens qui nous font nous sentir seuls. Cela ne dure pas.  De même que l’état de béatitude dans la solitude n’est jamais durable et stable. Il faut écouter son corps pour savoir quand on a besoin d’être seul ou non. Le corps parle. Cela à un sens, et meme plusieurs.

« La solitude nous invite à converser avec l’univers comme le font les enfants »

Plus on creuse la solitude, plus on s’apperçoit qu’on n’est jamais seul. La solitude nous invite à converser avec l’univers comme le font les enfants. Tout ce qu’il y a dans l’univers me parle. Cela semble une posture infantile, mais elle est bien plus enseignante et aidante que la posture cartésienne et adulte.
Restaurer la confiance. La vie est une restauration. Il ne peut rien arriver dans l’univers qui n’ait un sens pour moi. Quoiqu’il arrive, c’est stérile d’être pour ou contre, je dois faire avec. Le confinement est un retour à soi. Depuis qu’on est enfant on est inscrit dans le désir de l’autre, les pensées des autres conditionnent nos propres pensées.
Vous parents, vous avez pris un chemin très dur, celui d’arriver à vivre avec le manque. Comment y arriver et que faire de ce manque? Car malgré tout ce que vous ferez, malgré tous les signes que vous pourrez recevoir, il y aura toujours de manque. Vous êtes mis en demeure de travailler et de vivre avec ce manque. C’est l’expérience la plus initiatique, proche de celle du moine qui fait tout pour trouver son dieu, bien que son dieu ne lui parle jamais.
La trajectoire des parents est d’une très grande spiritualité (religieuse ou laïque), parce qu’elle confronte au manque. Les stratégies pour éviter le manque ne marchent plus. Le manque est omniprésent. « Je suis plein de ton manque« . L’expérience de ce manque est le chemin, pour trouver la présence dans l’absence. C’est votre propre créativité qui vous permet de trouver votre chemin, le psy n’est au mieux qu’un aiguilleur du ciel.
Le deuil est un chemin différent pour chacun mais aussi universel et commun à tout être qu’il ait ou non vécu la perte d’un être cher. L’expérience d’être un être humain oblige à aller au bout de soi-même pour parvenir à rendre acceptable ou pouvoir accepter un jour ce qui est inacceptable. « 
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