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Témoignage :
« Ne rien faire pour moi, c’est pire que tout ! »
Parmi les parents accompagnés par Le Point rose, plusieurs ont perdu un enfant ou un jeune d’un suicide.
Beaucoup témoignent pour dénoncer les circonstances du suicide de leur enfant et prévenir le suicide d’autres jeunes.
Car si leur témoignage permet de sensibiliser ne serait-ce qu’une personne et de sauver la vie d’un seul jeune, alors la mort de leur enfant ne sera pas juste une immense perte.
Marie-Noëlle Cullieret-Combalat, témoigne un an après le suicide de son fils Bastien de 24 ans, qui a fait sa scolarité à Lacordaire à Marseille avant de préparer son diplôme pour être pilote de ligne ATPL. Il a mis fin à ses jours le 22 juillet 2022, dans le centre de tirs de La Garde, Le Pistolier Club.
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« Il y a un an, mon fils Bastien s’est suicidé. Je n’en veux à personne et j’apprends dans la douleur, insupportable par moment, à vivre avec son geste désespéré. Entre culpabilité et incompréhension, j’essaie d’imaginer ce qui a pu le conduire à un tel acte : sa sensibilité, son intransigeance envers lui-même, la pression des grandes écoles et son refus de l’échec…Toutes ces pensées, j’apprends à vivre avec et c’est un long chemin avant un jour d’être en paix.
Mais il est une réalité avec laquelle je ne pourrai jamais transiger. C’est une chose qui entravera mon chemin tant que je ne l’aurais pas exprimée. Car même si cette réalité ne changera plus rien à la vie de mon fils, elle me hante assez pour que je décide aujourd’hui de l’exprimer.
Le suicide de mon fils, m’a confrontée à la facilité avec laquelle un jeune peut mettre fin à ses jours.
Toutes les informations et les guides pratiques se trouvent sur internet.
Bastien quant à lui n’a eu qu’à se rendre au premier centre de tir. Une première fois, pour y repérer les lieux et le fonctionnement. La deuxième fois, il y est entré, a payé, s’est vu remettre deux armes chargées. Il en a retourné une vers lui, et ce fut terminé. Le centre de tir a appelé les secours. Son corps a été évacué. Et le lendemain, la vie du centre de tirs a recommencé comme à son habitude.
Peut-être que cela ne choque que moi.
Dans notre pays où le port et la vente d’armes sont très strictement réglementés, où pour faire une marche ou une course de 5 km, un certificat médical d’aptitude est requis, il est aussi facile à une personne aux prises avec une angoisses délirante ou dans un état de profonde dépression, de se procurer une arme et de la retourner contre elle ou contre quelqu’un.
J’ai mis du temps à écrire ces mots. J’avais peur que l’on m’accuse de chercher à soulager ma propre culpabilité, ou, pire que tout, de vouloir entamer une procédure en dommages et intérêts contre le centre de tir. Ce que je refuse. Ce que je veux, c’est faire taire cette voix dans ma tête qui me lancine et me pousse à dénoncer la réalité de l’encadrement de cette activité de loisirs.
J’aimerais que quelqu’un s’indigne à son tour pour qu’un encadrement différent de cette pratique puisse être mis en place. Comme, ne pas laisser une personne seule avec ses armes, ou demander un certificat médical d’aptitude à la pratique du tir ?
Peut-être que si les médias abordent un jour ce sujet dans un article, d’autres familles, d’autres personnes abonderont dans ce sens et oseront partager la même incompréhension, la même indignation. Alors, alors, la petite voix dans ma tête cessera peut-être, et je pourrai commencer à trouver un peu d’apaisement… Ne rien faire pour moi c’est pire que tout. »
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